Raymond Aron et le marxisme-léninisme

Le marxisme devenu marxisme-léninisme n'intéresse aucun homme sérieux, disons aucun scholar. Pour reprendre une expression de mon ami Jon Elster : à quelles conditions peut-on être à la fois marxiste-léniniste, intelligent et honnête ? On peut être marxiste-léniniste et intelligent mais, en ce cas, on n'est pas honnête (intellectuellement). Il ne manque pas de marxistes-léninistes sincères, mais l'intelligence leur fait défaut. (Raymond Aron, Mémoires, Edition intégrale inédite, 2010, p. 976

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Raymond Aron, le marxisme-léninisme est une superstition

Le marxisme-léninisme mérite d'être qualifié [de] superstition au sens plein du mot. Les dogmes des religions de salut échappent à la réfutation, parce qu'ils affirment des réalités ou des vérités qui, par essence, sont inaccessibles aux enquêtes menées selon les règles de la connaissance rationnelle. En revanche, le dogmatisme, qui prétend à une vérité ultime en une matière qui ressortit à la recherche scientifique, tombe sous le coup de la critique. 

L'anticommunisme systématique que d'aucuns m'attribuent, je le professe sans mauvaise conscience. Le communisme ne m'est pas moins odieux que me l'était le nazisme. L'argument que j'employai plus d'une fois pour différencier le messianisme de la classe de celui de la race ne m'impressionne plus guère. L'apparent universalisme du premier est devenu, en dernière analyse, un trompe-l'œil. Une fois arrivé au pouvoir, il se mêle à un messianisme national ou impérial. Il sacralise les conflits ou les guerres, bien loin de sauvegarder, par-dessus les frontières, les liens fragiles d'une foi commune.

(Raymond Aron, Mémoires, Edition intégrale inédite, 2010, p. 981

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