Max Weber - Le travail comme fin en soi chez Baxter (calviniste modéré)

Une exhortation toujours recommencée et parfois presque pathétique à travailler durement et sans relâche, qu’il s’agisse d’un travail physique ou intellectuel, traverse ainsi le grand livre de Baxter. Deux motifs se conjuguent ici. Le travail est d’abord la vieille méthode ascétique éprouvée, valorisée depuis toujours par l’Eglise d’Occident, [par opposition non seulement à l'Orient, mais aussi à presque toutes les règles monastiques du monde entier]. Il est notamment le moyen de prévention adéquat de toutes les ten- tations que le puritanisme résume dans la notion de « unclean life » — et son rôle n’est pas mince. L’ascèse sexuelle des puritains ne se distingue de l’ascèse monastique que par son degré, mais repose sur le même principe ; dans la mesure où elle s’applique aussi à la vie conjugale, sa portée est même plus considérable encore. Le commerce sexuel n’est en effet autorisé, même au sein du mariage, qu’en tant qu'instrument voulu par Dieu pour l’augmentation de sa gloire, conformément au commandement : « Soyez féconds, multipliez.» Contre les tentations sexuelles, la prescription est la même que pour combattre les doutes religieux et les scrupules qui tenaillent la conscience: outre un régime sobre, la suppression de la viande et les bains froids, il faut « travailler dur dans [son] métier ». 

Cependant, le travail est aussi et surtout la fin en soi de la vie, prescrite par Dieu. Le principe de saint Paul, « Si quelqu'un ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus », s'applique à tous et ne connaît pas d’exception. Le fait de rechigner au travail est le symptôme d’une absence d’élection.
On voit bien ce qui sépare une telle attitude de celle qui prévalait au Moyen Âge. Thomas d’Aquin avait lui aussi commenté la phrase de saint Paul. Mais pour lui, le travail n’était nécessaire que naturali ratione, pour préserver la vie de l’individu et de lespèce. (L'éthique protestante et l’esprit du Capitalisme, pp. 258-261).

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Raymond Aron - Les puritains choisissaient d'être homme de métier, les hommes d'aujourd’hui sont contraints de l’être

Max Weber ne se lassait pas de souligner le décalage entre les projets des hommes et les suites de leurs actes. Ce qu’une génération à librement voulu est, pour la génération suivante, destin inexorable. Les puritains choisissaient d’être hommes de métier, les hommes d’aujourd’hui sont contraints de l’être.

(Raymond Aron, in Max Weber, Le savant et le politique, Paris, 10/18, 1963, p.31.)

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Tchernychevski, le mouvement, la réalité, la vie, le travail

Bientôt, Vera a un deuxième songe, nouvelle allégorie de la Révolution, dans lequel Alexandre Kirsanov explique que

« le mouvement est la réalité, parce que le mouvement c’est la vie, et réalité et vie ne font qu’un. Mais la vie a pour élément moteur le travail, c’est pourquoi le principal élément de la réalité est le travail, et le plus sûr indice de la réalité est l’efficacité. […] L’absence de mouvement est absence de travail, parce que le travail est, anthropo-logiquement analysé, la forme fondamentale du mouvement qui donne base et contenu à toutes les autres formes ». (Que faire ?, 1863)

Une présentation de la dialectique, du matérialisme et du prolétariat qui préparait, chez Vladimir, le chemin à l’adoption du marxisme.

(Stéphane Courtois, Lénine, l'inventeur du totalitarisme, 2017, chap. 3 : Tchernychevski et la matrice de la régénération révolutionnaire.)

Lénine connaissait par coeur ce roman qui avait d'abord inspiré son frère Alexandre.

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