Bautain (Louis)

Les philosophes ? Des idéologues. Napoléon contre la philosophie... selon Bautain.

Quand, après la crise, politique l’ordre commença à se rétablir, quand les grandes institutions sans lesquelles il n’y a point de société, eurent été repo­sées sur leurs bases naturelles par la main puissante d’un homme que la Providence suscita pour tirer la France de l’anarchie, on songea à reconstituer l’instruction publique. Les écoles furent organisées en un vaste système, dont le chef de l’État tenait la clef, et toute la jeunesse française dut être dressée et formée comme un seul homme pour servir d’instrument à sa volonté. La France était tombée de l’anarchie sous le despotisme, et après avoir tant crié : Liberté ! elle s’estimait heureuse de trouver quelque repos dans la servitude. Il est clair qu’en de telles circonstances, il n’y avait pas d’encouragement à espérer pour la philosophie. Celui qui commandait et dont la mission était de rétablir l’ordre, n’était pas d’humeur à tolérer ces discours sophistiques, ces théories subtiles, dont le résultat est toujours de troubler et d’agiter les esprits en remuant les fondemens des institutions et en remettant les principes de la société en questionD’un mot il imposa silence aux idéologues, disciples et successeurs de Condillac, qui prenaient, comme lui, de la grammaire pour de la métaphysique, et faisaient, sans le savoir, du panthéisme, du maté­rialisme en guise de morale. Le grand homme ne voulut même pas qu’il entrât des philosophes dans son Institut; et quand il établit l’Université, il en confia la direction à un des plus beaux esprits du temps, à un homme distingué par son goût exquis, par sa parole gracieuse et la noblesse de ses manières, à un poète, à un orateur auquel la philosophie importait peu, et qui en effet ne s’en inquiéta guère tant qu’il fut à la tête de l’instruction publique. (Philosophie du Christianisme, 1835, Tome 2, pp. 22-23)

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