Simone de Beauvoir

Si j’avais souhaité autrefois me faire institutrice, c’est que je rêvais d’être ma propre cause et ma propre fin ; je pensais à présent que la littérature me permettrait de réaliser ce vœu. Elle m’assurerait une immortalité qui compenserait l’éternité perdue ; il n’y avait plus de Dieu pour m’aimer, mais je brûlerais dans des millions de cœurs. En écrivant une œuvre nourrie de mon histoire, je me créerais moi-même à neuf et je justifierais mon existence. En même temps, je servirais l’humanité : quel plus beau cadeau lui faire que des livres ? Je m’intéressais à la fois à moi, et aux autres ; j’acceptais mon « incarnation » mais je ne voulais pas renoncer à l’universel : ce projet conciliait tout ; il flattait toutes les aspirations qui s’étaient développées en moi au cours de ces quinze années. (Simone de Beauvoir, Mémoire d'une jeune fille bien rangée, Deuxième partie)
[Prétendre être sa propre cause et sa propre fin : et l'autre dans tout cela ??? - S'assurer de l'immortalité par des romans :  une vanité peu commune. - Faire cadeau à l'humanité de livres nourris de sa propre histoire : une prétention incroyablement orgueilleuse et naïve ?]

Idéalisme, Création de soi, Orgueil