Alain Finkelkraut

Jean Luc Mélenchon (...) a expliqué que, dans le monde qui vient, l’afflux de réfugiés était inéluctable et qu’il fallait y répondre par une hospitalité inconditionnelle. Les guerres et le dérèglement climatique vont conduire par milliers, par millions, voire par milliards, de pauvres gens à l’exode. Il faut être raciste (...) pour répondre à cette urgence par la discrimination entre le proche et le lointain, ou le réfugié politique et le réfugié économique. Il n’y a pas d’autre alternative, autrement dit, qu’entre le racisme et la submersion migratoire.
Les néoprogressistes plaident ardemment pour le grand remplacement qu’ils dénoncent pourtant à longueur de colonnes comme une théorie conspirationniste. Plus de France, plus d’Allemagne, plus d’Espagne, plus d'Ukraine, plus d’individus, plus de noms propres, mais une immense infirmerie, car, comme l’écrit Michel Serres, « à l’infirmerie, aucun ne souffre ni ne gémit bien différemment des autres. Universelle comme la violence et la mort, la douleur nous égalise. La même amertume sale la sueur, les larmes et le sang. » L’Ukraine et l’huma­nité tout entière méritent mieux que d’être noyées dans l’anonymat d’une espèce. D’autres leçons doivent être tirées de cette guerre que ce cauche­mar de l'interchangeabilité des êtres, et notamment que tout doit être fait pour préserver le trésor de la pluralité humaine. (Le Figaro, 28 mars 2022, p. 20)

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Alain Finkelkraut

Jean-Luc Mélenchon célèbre la créolisation de notre pays. La créolisation désigne « ce que produit la rencontre et l’entremêlement des cultures. C’est une poussée de vie ! ». Et Mélenchon précise : « Nous sommes déjà tous des créoles et nous le serons tous encore plus. Certains osent dire que ce n’est pas vrai alors même que la moitié des boutiques ont leur nom écrit en anglais, que tout le monde sur terre regarde les mêmes séries télévisées, que nos meubles sont les mêmes, comme les plats que l’on sert à table… » Le même, le même, toujours et partout le même. La fin de l’histoire, selon Mélenchon, ce n’est pas la société sans classe, c’est le grand mélange et le grand mélange, c’est l’uniformité du consommateur planétaire. La bienveillance pour l’islamisme, l’antiaméricanisme forcené et la promesse de l’américanisation sont les trois ingrédients du cocktail que La France insoumise veut faire avaler au peuple français. (Le Figaro, 3 juin 2022, p. 20)

Le constat de Mélenchon est en grande partie vrai (tout le monde est netflixé, qui n'a pas son meuble Ikéa ?, etc.), de là à embrasser et accélerer le mouvement, c'est évidemment une bien mauvaise chose. Personne ne veut une société dans laquelle chaque individu est identique à l'autre. D'où la critique d'A. F.

La fascination pour le même, du communisme à Mélenchon, est elle-même fascinante, surtout lorsque par ailleurs on célèbre à l'envie la différence et l'auto-création individualiste de soi.

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Boris Cyrulnik

Le choix est clair, mais il est douloureux. Ceux qui s’engagent sur le chemin de la liberté intérieure perdront leurs amis. Ils seront haïs par ceux qu’ils aiment, comme l’a été Hannah Arendt. Penser par soi-même, c’est s’isoler : l’angoisse est le prix de la liberté. Alors que ceux qui se soumettent à la parole d’un tyran adoré connaîtront un sentiment de sécurité (tous ensemble), un sentiment d’égalité (tous pareils), une gaieté carnassière qui leur permettra de danser sur les charniers, comme l’ont fait les gardiens SS à Auschwitz, les égorgeurs de Pol Pot et les tribunaux d’adolescents chinois émerveillés par le Grand Timonier. (Le laboureur et les mangeurs de vent, 2022, La liberté intérieure)

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