Joseph Ratzinger - La liberté sans la vérité est un principe de destruction

Si elle est détachée de la vérité, la liberté devient tragiquement un principe de destruction de l’harmonie intérieure de la personne humaine, source de la prévarication des plus forts et des violents, et cause de souffrance et de deuils. 

(Benoît XVI, Audience générale, Jean Duns Scot, 7 juillet 2010)

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Joseph Ratzinger - Le vrai problème de l'humanité : Dieu disparaît de l'horizon des hommes

  • A l'extérieur comme à l'intérieur de l'Eglise

La première priorité pour le Successeur de Pierre a été fixée sans équivoque par le Seigneur au Cénacle : « Toi… affermis tes frères » (Lc 22, 32). Pierre lui-même a formulé de façon nouvelle cette priorité dans sa première Lettre : « Vous devez toujours être prêts à vous expliquer devant tous ceux qui vous demandent de rendre compte de l’espérance qui est en vous » (1 P 3, 15). À notre époque où dans de vastes régions de la terre la foi risque de s’éteindre comme une flamme qui ne trouve plus à s’alimenter, la priorité qui prédomine est de rendre Dieu présent dans ce monde et d’ouvrir aux hommes l’accès à Dieu. Non pas à un dieu quelconque, mais à ce Dieu qui a parlé sur le Sinaï ; à ce Dieu dont nous reconnaissons le visage dans l’amour poussé jusqu’au bout (cf. Jn 13, 1) – en Jésus Christ crucifié et ressuscité. En ce moment de notre histoire, le vrai problème est que Dieu disparaît de l’horizon des hommes et que tandis que s’éteint la lumière provenant de Dieu, l’humanité manque d’orientation, et les effets destructeurs s’en manifestent toujours plus en son sein.

Conduire les hommes vers Dieu, vers le Dieu qui parle dans la Bible: c’est la priorité suprême et fondamentale de l’Église et du Successeur de Pierre aujourd’hui. (...)

Durant les jours où il m’est venu à l’esprit d’écrire cette lettre, (...) j’ai dû interpréter et commenter le passage de Ga 5, 13-15. 

"Que cette liberté ne soit pas un prétexte pour satisfaire votre égoïsme; au contraire mettez-vous, par amour, au service les uns des autres. Car toute la Loi atteint sa perfection dans un seul commandement, et le voici : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Si vous vous mordez et vous dévorez les uns les autres, prenez garde : vous allez vous détruire les uns les autres !

J’ai toujours été porté à considérer cette phrase comme une des exagérations rhétoriques qui parfois se trouvent chez saint Paul. Sous certains aspects, il peut en être ainsi. Mais malheureusement ce "mordre et dévorer" existe aussi aujourd’hui dans l’Église comme expression d’une liberté mal interprétée. Est-ce une surprise que nous aussi nous ne soyons pas meilleurs que les Galates ? Que tout au moins nous soyons menacés par les mêmes tentations ? Que nous devions toujours apprendre de nouveau le juste usage de la liberté ? Et que toujours de nouveau nous devions apprendre la priorité suprême : l’amour ? Le jour où j’en ai parlé au grand Séminaire, à Rome, on célébrait la fête de la Vierge de la Confiance. De fait : Marie nous enseigne la confiance. Elle nous conduit à son Fils, auquel nous pouvons tous nous fier. Il nous guidera – même en des temps agités. Je voudrais ainsi remercier de tout cœur tous ces nombreux Évêques, qui en cette période m’ont donné des signes émouvants de confiance et d’affection et surtout m’ont assuré de leur prière. Ce remerciement vaut aussi pour tous les fidèles qui ces jours-ci m’ont donné un témoignage de leur fidélité immuable envers le Successeur de saint Pierre. Que le Seigneur nous protège tous et nous conduise sur le chemin de la paix ! C’est un souhait qui jaillit spontanément du cœur en ce début du Carême, qui est un temps liturgique particulièrement favorable à la purification intérieure et qui nous invite tous à regarder avec une espérance renouvelée vers l’objectif lumineux de Pâques.

(En 2009 : https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/letters/2009/documents/hf_ben-xvi_let_20090310_remissione-scomunica.html)

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Michel Foucault et le travail de destruction

Roger-Pol Droit : Vous n'aimez pas qu'on vous demande qui vous êtes, vous l'avez dit souvent. Je vais quand même essayer. Souhaitez-vous qu'on vous nomme historien ?

Michel Foucault : Je suis très intéressé par le travail que font les historiens, mais je veux en faire un autre.

Doit-on vous appeler philosophe ?

Pas non plus. Ce que je fais n'est aucunement une philosophie. Ce n'est pas non plus une science à laquelle on pourrait demander les justifications ou les démonstrations qu'on est en droit de demander à une science.

Alors comment vous définiriez-vous ?

Je suis un artificier. Je fabrique quelque chose qui sert finalement à un siège, à une guerre, à une destruction. Je ne suis pas pour la destruction, mais je suis pour qu'on puisse passer, pour qu'on puisse avancer, pour qu'on puisse faire tomber les murs.

Un artificier, c'est d'abord un géologue. Il regarde les couches de terrain, les plis, les failles. Qu'est-ce qui est facile à creuser ? Qu'est-ce qui va résister ? Il observe comment les forteresses sont implantées. Il scrute les reliefs qu'on peut utiliser pour se cacher ou pour lancer un assaut.

Une fois tout cela bien repéré, il reste l'expérimental, le tâtonnement. On envoie des reconnaissances, on poste des guetteurs, on se fait faire des rapports. On définit ensuite la tactique qu'on va employer. Est-ce la sape ? Le siège ? Est-ce le trou de mine, ou bien l'assaut direct ? La méthode, finalement, n'est rien d'autre que cette stratégie.

(Inédit extrait d'une série d'entretiens que Roger-Pol Droit a eu avec Michel Foucault au mois de juin 1975, quelques semaines après la publication de « Surveiller et punir ». Le Point 01/07/04 - N°1659 p.82)

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