Si elle est détachée de la vérité, la liberté devient tragiquement un principe de destruction de l’harmonie intérieure de la personne humaine, source de la prévarication des plus forts et des violents, et cause de souffrance et de deuils.
(Benoît XVI, Audience générale, Jean Duns Scot, 7 juillet 2010)
Roger-Pol Droit : Vous n'aimez pas qu'on vous demande qui vous êtes, vous l'avez dit souvent. Je vais quand même essayer. Souhaitez-vous qu'on vous nomme historien ?
Michel Foucault : Je suis très intéressé par le travail que font les historiens, mais je veux en faire un autre.
Doit-on vous appeler philosophe ?
Pas non plus. Ce que je fais n'est aucunement une philosophie. Ce n'est pas non plus une science à laquelle on pourrait demander les justifications ou les démonstrations qu'on est en droit de demander à une science.
Alors comment vous définiriez-vous ?
Je suis un artificier. Je fabrique quelque chose qui sert finalement à un siège, à une guerre, à une destruction. Je ne suis pas pour la destruction, mais je suis pour qu'on puisse passer, pour qu'on puisse avancer, pour qu'on puisse faire tomber les murs.
Un artificier, c'est d'abord un géologue. Il regarde les couches de terrain, les plis, les failles. Qu'est-ce qui est facile à creuser ? Qu'est-ce qui va résister ? Il observe comment les forteresses sont implantées. Il scrute les reliefs qu'on peut utiliser pour se cacher ou pour lancer un assaut.
Une fois tout cela bien repéré, il reste l'expérimental, le tâtonnement. On envoie des reconnaissances, on poste des guetteurs, on se fait faire des rapports. On définit ensuite la tactique qu'on va employer. Est-ce la sape ? Le siège ? Est-ce le trou de mine, ou bien l'assaut direct ? La méthode, finalement, n'est rien d'autre que cette stratégie.
(Inédit extrait d'une série d'entretiens que Roger-Pol Droit a eu avec Michel Foucault au mois de juin 1975, quelques semaines après la publication de « Surveiller et punir ». Le Point 01/07/04 - N°1659 p.82)
Cet « homme nouveau », Tourgueniev l’affubla d’une épithète qui allait faire florès : « nihiliste » ! Le nihiliste est un homme « qui envisage tout d’un point de vue critique […], qui ne s’incline devant aucune autorité, qui ne fait d’aucun principe un article de foi, quel que soit le respect dont ce principe est auréolé55 ». Bazarov s’en expliquerait : « Nous agissons en vertu de ce que nous reconnaissons comme utile. À l’époque actuelle, ce qu’il y a de plus utile c’est la négation. Donc nous nions. […] Tout. » Et à l’objection « vous détruisez tout… mais il faut bien reconstruire aussi », le nihiliste rétorquait, imperturbable : « Cela n’est pas notre affaire… il faut d’abord déblayer le terrain. […] La condition actuelle du peuple l’exige. » (Lenine, L'inventeur du totalitarisme, Stéphane Courtois, Une enfance privilégiée dans une Russie agitée)
A rapprocher de Michel Foucauld qui se voit comme un artificier poseur de bombes, cf. Interview du Point. La différence, c'est qu'il ne recommande pas qu'un successeur reconstruise qqch après lui...