Bernanos - La technique est a-morale mais peut tuer toute vie intérieure

Chacun de vous se fuit soi-même, comme s’il espérait courir assez vite pour sortir enfin de sa gaine de peau… On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. Hélas ! la liberté n’est pourtant qu’en vous, imbéciles !

Lorsque j’écris que les destructeurs de la machine à tisser ont probablement obéi à un instinct divinatoire, je veux dire qu’ils auraient sans doute agi de la même manière s’ils avaient pu se faire alors, par miracle, une idée nette de l’avenir. L’objection qui vient aux lèvres du premier venu, dès qu’on met en cause la Machinerie, c’est que son avènement marque un stade de l’évolution naturelle de l’Humanité ! Mon Dieu, oui, je l’avoue, cette explication est très simple, très rassurante. Mais la Machinerie est-elle une étape ou le symptôme d’une crise, d’une rupture d’équilibre, d’une défaillance des hautes facultés désintéressées de l’homme, au bénéfice de ses appétits ? Voilà une question que personne n’aime encore à se poser. Je ne parle pas de l’invention des Machines, je parle de leur multiplication prodigieuse, à quoi rien ne semble devoir mettre fin, car la Machinerie ne crée pas seulement les machines, elle a aussi les moyens de créer artificiellement de nouveaux besoins qui assureront la vente de nouvelles machines. Chacune de ces machines, d’une manière ou d’une autre, ajoute à la puissance matérielle de l’homme, c’est-à-dire à sa capacité dans le bien comme dans le mal. Devenant chaque jour plus fort, plus redoutable, il serait nécessaire qu’il devînt chaque jour meilleur. Or, si effronté qu’il soit, aucun apologiste de la Machinerie n’oserait prétendre que la Machinerie moralise. La seule Machine qui n’intéresse pas la Machine, c’est la Machine à dégoûter l’homme des Machines, c’est-à-dire d’une vie tout entière orientée par la notion de rendement, d’efficience et finalement de profit. (Bernanos, La France contre les robots, pp. 121-123, Bibliothèque numérique romande)

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Gérard Depardieu

On croit qu’il y a de moins en moins de solitude. Mais avec tous ces nouveaux dispositifs, tous ces nouveaux médias, on s’enferme davantage. Bon sang ! Où est passée cette solitude fertile, où l’on peut voir, découvrir... Elle est en train de disparaître. Seule la lecture peut nous sortir de là, nous sortir de ce divertissement permanent, comme un bourdonnement stérile. J’avoue que pour moi cette époque est difficile à vivre. (Le Figaro, 22 février 2022)

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Hans Urs Von Balthasar - Les méfaits de la communication de masse sur la vie intellectuelle, contemplative et ecclésiale

Je pense aux moyens de communication de masse.

On connaît leur pouvoir de séduction sur les jeunes qui, devant les images qui défilent, ne sont même plus capables de poser la question du sens de la vie. (...) Mais je vois un aspect encore plus préoccupant sur le plan chrétien, et je pourrais en donner de nombreux exemples : dans les presbytères, le prêtre s’assoit le soir devant sa télévision, qu’il ait dit son bréviaire ou non. C’est tout juste s’il ouvre encore un livre. Ce qui se passe aussi dans les cloîtres. Je connais des maisons où les novices restent jusqu’à minuit devant la boîte à images au lieu d’étudier. Et si l’on suit les émissions de télévision dans un Carmel, à quoi sert-il de maintenir une clôture ? On ne saurait calculer combien la prière pour l'Église et pour le monde se perd à cause des médias, de quels trésors Dieu est spolié, de quelle aide indispensable la chrétienté est privée. Il n’y a rien d’étonnant à ce que ceux qui ont désappris l’authentique contemplation chrétienne doivent se remettre de leur nervosité psychologique sur un coussin zen. Il faut beaucoup d’ascèse, une ascèse humaine et chrétienne, pour faire un bon usage des médias, qui constituent quand même et du reste un bien en soi.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 34

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Hans Urs Von Balthasar - Pourquoi la contemplation chrétienne se perd ?

Je dirai d’abord que [la contemplation chrétienne] est devenue plus difficile, car une grande partie de ce qui l’inspirait autrefois (par exemple de bons sermons), est devenue rare, tandis que beaucoup d’autres facteurs la contrarient. Et pourtant, il y a, en particulier chez les jeunes, une vraie faim de contemplation authentique. Mais elle ne peut que rarement la trouver dans sa pureté, sans une solide initiation en Église, dispensée par un maître expérimenté.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 35

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