Luther (sur) - Angoisse, jugement arbitraire de Dieu
Luther entre au couvent dans l’espoir d’apaiser son tourment spirituel, mais cela ne débouche pas sur un résultat positif. Son désir le plus intime ne trouve pas satisfaction : apaiser le Dieu terrible. Malgré ses prières et ses mortifications, l’inquiétude demeure plus que jamais. L’aspect tragique de son existence ne trouve pas d’issue. Au surplus, l’enseignement dispensé contribue à pousser une âme inquiète au désespoir. Sa formation au nominalisme occamien ne peut que le confirmer dans cette image d’un Dieu capricieux. Cette École dont le jeune moine a beaucoup lu les écrits – en particulier ceux de Gabriel Biel – enseigne qu’un acte humain n’a de valeur méritoire que si Dieu la lui accorde. Or, Dieu se distingue par une liberté souveraine, par un bon plaisir despote et imprévisible. Voilà de quoi accroître l’inquiétude de celui dont la vie lui semble peu digne d’être prise en considération par un Dieu juge intraitable et exigeant. Cela mène Luther à porter sur son existence un regard peu favorable, en conformité avec le jugement de Dieu – ou, du moins, avec la représentation sans concession qu’il s’en fait. Les angoisses dont sa vie est marquée lui semblent être le signe patent de ce rejet divin.
Selon Guillaume d’Occam, l’homme a le pouvoir de surmonter le péché par sa volonté seule. Mais tout acte se trouve subordonné à l’appréciation de celui dont les intentions demeurent cachées à tout être humain. Rien n’existe pour le redresser s’il défaille. Ni la grâce ni la raison sont habilitées à intervenir dans cette appréciation des capacités humaines à se hisser au niveau de celui dont tout dépend. La justice divine ne communique pas les raisons de sa décision.
(Comprendre Luther, chap. 2, Je suis du parti d'Occam)
