Descartes (sur) - Sur le réel qui n’est pas le réel connu
Ne semblant d’abord reconnaître de caractère incompréhensible qu’à l’infini divin, n’insiste-t-il pas au contraire, dans la dernière période de sa vie, sur l’aspect ontologique d’un monde qui, de toutes parts, dépasse la pensée ? Le 6 juin 1647, il écrit à Chanut que les bornes du monde ne peuvent être comprises ; le 5 février 1649, il déclare à Morus que notre esprit n’est la mesure « ni des choses, ni de la vérité », mais seulement « de ce que nous affirmons ou nions ».
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Beaucoup se croient cartésiens en refusant de reconnaître la réalité de tout ce qui n’est pas réductible aux idées claires. Mais le 5 février 1649 Descartes rappelait à Morus que notre esprit n’est la mesure ni des choses, ni de la vérité, et qu’il doit seulement demeurer celle de nos affirmations et de nos négations. Car, attentif à ne rien laisser perdre de l’Être et de l’homme, Descartes refusa toujours de les réduire à des objets connaissables, déterminables. Et telle est la source essentielle de la difficulté que l’on trouve à comprendre sa philosophie.
(Ferdinand Alquié, Descartes, l'homme et l'œuvre, 1956, chap. 5)
