Camille Kouchner - Le divorce est une liberté
Paula, la mère, était une femme magnifique. Elle ressemblait à Marilyn Monroe, icône familiale. Elle était son portrait. Sa photo en robe blanche à côté de celle de l’actrice. Incroyable ressemblance. Incroyable mise en scène, surtout. Au sujet de sa mère, Évelyne était intarissable.
« Paula était une femme libre. Imagine ! Dans les années 50, elle a découvert Beauvoir quand elle se traînait un mari conservateur. Mon père était ultra autoritaire. Ma mère l’a quitté une fois, a trouvé qu’elle avait mal divorcé, l’a ré-épousé et a, à nouveau, divorcé. Beaucoup mieux, cette fois-ci. »
Lorsqu’elle me racontait ma grand-mère, ma mère soulignait ses idéaux :
« À la fin des années 50, Paula a fait exploser les conventions bourgeoises. Elles lui garantissaient pourtant confort et renommée. Ma mère a fui son mariage ; elle ne supportait plus les conneries de son mari, et, avec elles, la société calédonienne, qui n’entendait rien au deuxième sexe. Elle est partie au nom de la liberté, de la liberté des femmes. Elle a eu cette énergie, cette détermination, celle de ne pas attendre d’être désirée, celle aussi qui défait la famille institutionnalisée. J’étais si contente au deuxième divorce ! Débarrassée de mon père ! » (chap. 3)
(...)
Inutile de chercher le soutien de ma grand-mère, en effet. Je me souviens encore de sa colère quand, en balade rue de Vaugirard, Victor a évoqué les difficultés de la séparation :
« Rentrez seuls, vous êtes assez grands ! »
À peine 6 ans, et Paula nous plantait sur le trottoir. Chacun sa liberté. Petits Poucets. À la maison, ma mère nous attendait, pour la première fois très énervée. Nous étions si cruels de nous être plaints.
« Pas question d’avoir des enfants idiots, des enfants caricatures. Le divorce est une liberté. »
Ce divorce, son divorce, était un droit acquis de haute lutte par les femmes. Nous piétinions le parcours des aventurières, le courage de ma mère et celui de ma grand-mère. Elle, si vaillante d’avoir arraché ma mère à son fasciste de père. Ma mère, ma grand-mère étaient en droit de nous en vouloir, nous devions le savoir. (chap. 4)
(Camille Kouchner, La Famillia Grande, 2021)
