Bautain (Louis)

Alors j’ai raisonné avec Aristote ; j’ai voulu refaire mon entendement avec Bacon ; j’ai douté méthodiquement avec Descartes ; j’ai essayé de déterminer avec Kant ce qu’il m’était possible et permis de connaître; et le résultat de mes raisonnemens, de mon renouvellement, de mon doute méthodique et de ma critique, a été que je ne savais rien, et que peut-être je ne pouvais rien savoir. Je me suis réfugié avec Zénon dans mon for intérieur, dans ma conscience morale, cherchant le bonheur dans l’indépendance de ma volonté ; je me suis fait stoïcien. Mais ici encore je me suis trouvé sans principe, sans direction, sans but et de plus sans nourriture et sans bonheur, ne sachant que faire de ma liberté et n’osant l’exercer de peur de la perdre. (…) Dégoûté des doctrines humaines, doutant de tout, croyant à peine à ma propre raison, ne sachant que faire de moi et des autres au milieu du monde, je périssais consumé par la soif du vrai, dévoré par la faim de la justice et du bien et ne les trouvant nulle part ! — Un livre m’a sauvé ; mais ce n’était point un livre sorti de la main des hommes ! Je l’avais longtemps dédaigné et ne le croyais bon que pour les crédules et les ignorants. J’y ai trouvé la science la plus profonde de l’homme et de la nature, la morale la plus simple et la plus sublime à la fois. J’ai lu l’évangile de Jésus-Christ avec le désir d’y trouver la vérité : et j’ai été saisi d’une vive admiration, pénétré d’une douce lumière, qui n’a pas seulement éclairé mon esprit, mais qui a porté sa chaleur et sa vie au fond de mon âme. Elle m’a comme ressuscité !  (La Morale de l'Évangile comparée à la morale des philosophes, 1827, pp. 74-75)

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Bautain (Louis)

Il y eut aussi en ces temps, des docteurs célèbres, des hommes d’une intelligence rare, d’un esprit puissant, tels que S. Anselme, S. Thomas-d’Aquin, appelé à juste titre l’ange de l’école, et plu­sieurs autres. Ces hommes prirent souvent un élan hardi, soutenus qu’ils étaient par les ailes de la foi ; mais l’attirail logique dont ils étaient obligés de se charger, les rabattait bientôt à terre et ils furent for­cés de se traîner péniblement, à travers la syllogis­tique, pour arriver à présenter le rapport d’une vérité à une autre sous la forme d’une conclusion ration­nelle. Du reste, on abusa tant des Ecritures sacrées et des sentences, que la raison, après les avoir long­temps exploitées comme la mine de ses argumens, voyant qu’elle en pouvait tirer tout ce qu’elle voulait parce qu’elle l’y mettait, s’en dégoûta et se mit à chercher des principes ailleurs. (Philosophie du Christianisme, 1835, Tome 2, pp. 13-14)

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Bautain (Louis)

Tels furent les points de départ de la philosophie moderne qui prit autorité dans le monde chrétien, alors que la raison se déclara ouvertement indépen­dante et prétendit fonder la science en elle-même et par ses propres forces.
Depuis ce temps, la philosophie est redevenue tout-à-fait païenne, partant du doute, ne croyant ou s’imaginant ne croire à rien, pas même à la première de toutes les vérités à l’existence de Dieu, pour se donner le plaisir de prouver que Dieu existe ou qu’il n’existe pas, marchant à tâtons comme dit l’Apôtre, cherchant Dieu, l’immuable, l’absolu, dans les phé­nomènes de la nature qui ne sont jamais deux instants les mêmes ou transportant la nature en Dieu. Elle n’a plus de rapport avec cette sagesse éternelle, ai­mée de Pythagore, reconnue par Platon, proclamée par Salomon, et que Paul annonçait aux parfaits : non-seulement elle ne la connaît plus, mais elle re­pousse tous les moyens par lesquels cette source de toute science se communique à l'homme. Aussi, que cette philosophie ait continué à suivre le chemin du rationalisme avec Descartes, qu’elle ait essayé toutes les voies de l’empirisme sur les traces de Bacon et de Locke, ou qu’elle soit rentrée dans la sphère du pla­tonisme avec le génie spéculatif de l’Allemagne, ou enfin qu’en désespoir de cause elle soit redevenue éclectique ou néo-platonique de nos jours, toujours est-il qu’elle n’arrive à autre chose qu’au renouvelle­ment des systèmes et des erreurs déjà épuisés par les anciens. Elle se vante de rechercher la vérité dont, au fond, elle s’inquiète peu, à l’existence de laquelle elle croit à peine, puisqu’elle prétend n’y croire qu’à la condition de l’évidence ou de la démonstration. Ne pouvant s’élever jusqu’à la source de toute vérité et ne voulant point la reconnaître dans son expression, elle la cherche dans les opinions incertaines et dans les pensées flottantes des hommes ; elle travaille sans cesse à détruire pour reconstruire, à faire table rase pour bâtir de nouveau ; elle doute de ce qu’elle avait affirmé, elle abat ce qu’elle avait élevé, elle prétend expliquer l’homme et le monde, refaire la science et la société, et quand elle se met à l’œuvre pour édifier, elle n’a ni base, ni plan, ni but. Ce qu’on appelle philosophie de nos jours n’est vraiment plus qu’un instrument de destruction, servant à ébranler, à sa­per, à renverser. C’est par là que ces systèmes et ces doctrines sont foncièrement en opposition avec l’es­prit du Christianisme, qui est essentiellement conservateur. C’est le panthéisme en opposition avec le théisme; c’est l’esprit du monde en contradiction avec l’esprit de l’Évangile ; c’est la continuation de la lutte entre l’idolâtrie et les adorateurs du vrai Dieu.
L’Église chrétienne persiste cependant au milieu de ce débordement d’opinions, de sophismes et de pas­sions. Immuable dans sa foi et sa doctrine, ferme dans sa confiance et dans son espérance, active dans sa.charité, elle subsiste dans son gouvernement et sa hiérarchie ; elle est au fond la même qu’au jour de sa naissance. Mais, comme vous l’avez remarqué, il manque quelque chose à la plupart de ses ministres, quelque chose que l’état de la société, à laquelle ils doivent annoncer la parole du salut, réclame im­ périeusement: c’est la science de l’homme, de sa na­ture, de ses rapports et de sa loi, c’est la science historique de l’humanité, c’est la philosophie chré­tienne en un mot. On peut être bon Chrétien par la foi seule, sans aucune science explicite ; car qui a le plus a le moins, et j’adhère de tout mon cœur à la parole du Maître : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! · Mais il n'en est pas moins vrai qu’il faut une science profonde pour enseigner à des intel­ligences éclairées une doctrine profonde ; que c’est par la connaissance des choses sensibles et de leurs lois que l’homme est préparé à la foi et à la compré­hension des choses intelligibles, et qu’une société engouée comme la nôtre de la philosophie païenne, envahie par des doctrines superficielles ou erronées, enchantée par les connaissances naturelles, ne peut être ramenée au goût du vrai, du beau et du bien que par un enseignement vaste et profondément scienti­fique. De pauvres pêcheurs furent envoyés pour prê­cher l’Évangile aux pauvres, après avoir été instruits eux-mêmes par Celui qui est la voie, la vérité et la vie : mais il a fallu un Apôtre savant pour évangéliser la Grèce et l’Italie savantes ; il a fallu la vertu et la science de la sagesse divine pour confondre les vains discours de la sagesse humaine. C’est dans l'insuffisance et l’im­perfection des études qu’on fait faire à la jeunesse, au moment où elle se prépare à entrer dans le monde ou dans l’Église ; c’est dans le fond et dans la forme de l’enseignement philosophique, qui n’est plus en har­monie avec l’état du siècle et les besoins des esprits, et que les uns s’obstinent à conserver, tandis que les autres l’abandonnent à l’arbitraire ; oui, c’est ici que se trouve la cause principale de la maladie qui ronge la société ; c’est ici que se montre la plaie profonde que le rationalisme a faite à l’Église et qu’il agrandit tous les jours. Pour vous convaincre de cette triste vérité, il nous suffira d’examiner rapidement ce qui est en­seigné sous le nom de philosophie dans nos écoles. (Philosophie du Christianisme, 1835, Tome 2, pp. 16-19)

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Bernard de Clairvaux - EN COURS La raison naturelle ne peut tout connaître du contenu de la foi ou Abélard contre les Pères

LETTRE CLXXXVIII. AUX ÉVÊQUES ET AUX CARDINAUX DE LA COUR DE ROME, SUR LE MÊME SUJET.

Saint Bernard les engage à avoir l’œil ouvert sur les erreurs d'Abélard.

A mes seigneurs et vénérables frères les évêques et cardinaux présents à la cour de Renne, le serviteur de leurs saintetés.

1. On ne saurait douter que c'est particulièrement à vous qu'il appartient d'arracher les scandales du royaume de Dieu, de couper les épines qui y poussent et d'étouffer les divisions qui y naissent ; car, en se retirant sur la montagne, Moïse (je parle de celui qui est venu dans l'eau et le sang, et non pas du Moïse qui ne vint que dans l'eau, lequel est moins grand due le nôtre, puisqu'il n'est pas venu dans le sang), Moïse a dit : « Je vous laisse Hur et Aaron, pour terminer les différends qui pourront surgir parmi vous (Exod., XXIV,14). » Pour nous, Hur et Aaron, c'est le zèle et l'autorité que l'Église de Rome exerce sur le peuple de Dieu ; aussi est-ce à elle que nous avons recours pour terminer nos disputes et pour empêcher qu'on ne porte atteinte à la foi et qu'on ne s'attaque à Jésus-Christ, qu'on n'insulte aux Pères et qu'on ne méprise leur autorité, qu'on ne scandalise notre siècle et qu'on ne nuise même aux siècles futurs. On méprise la foi des simples et l'on aspire à pénétrer les secrets de Dieu. On aborde avec audace les questions les plus ardues en riant des Pères de l'Église, qui croyaient plus sage de les laisser dormir que d'entreprendre de les résoudre. C'est ainsi que, malgré la défense de Dieu, on fait bouillir l'agneau pascal, ou bien on le mange tout cru à la manière des bêtes sauvages, et, au lieu de brûler ce qui en reste, on le foule indignement aux pieds (Exod., XII, 9). Voilà comment l'esprit humain veut étendre son domaine sur tout et ne laisse rien à la foi. Il aborde les choses qui sont au-dessus de sa portée et veut comprendre, ce qui passe ses lumières ; il fait irruption dans les choses de Dieu et les défigure sous prétexte de les expliquer ; il n'ouvre point la porte ou le sceau qui nous les cache, il les brise ; il traite de pur néant ce qu'il ne peut comprendre et refuse de le croire.

2. Prenez la peine de lire le livre qu'Abélard appelle sa Théologie, il est aisé de se le procurer, puisque l'auteur se vante que presque toute la cour de Rome l'a entre les mains, et vous verrez en quels termes il s'exprime sur la sainte Trinité, la génération du Fils, la procession du Saint-Esprit, et sur beaucoup d'autres points qu'il entend d'une manière aussi nouvelle que choquante pour les oreilles et les âmes orthodoxes. Lisez aussi ses Sentences et son Connais-toi toi-même, et vous verrez comme l'erreur et le sacrilège y pullulent (a) ; ce qu'il pense de l'âme de Jésus-Christ, de sa personne, de sa descente aux enfers et du sacrement de l’autel; du pouvoir de lier et de délier, du péché originel, de la concupiscence, du péché d'ignorance, de délectation et de faiblesse, de l'acte même du péché et de la volonté de pécher ; et si vous trouvez que je n'ai pas tort de m'en alarmer, partagez mes alarmes ; mais, pour le faire avec fruit, que votre sollicitude soit en rapport avec le rang que vous occupez, la dignité et le pouvoir que vous avez reçus. Faites descendre au fond des enfers ce téméraire qui ose diriger son vol au plus haut des cieux; confondez à l'éclat de la lumière par excellence les œuvres de ténèbres qu'il ose produire au jour. La condamnation publique de celui qui pèche publiquement ne peut manquer de réprimer les esprits audacieux qui font prendre également les ténèbres pour la lumière, qui dogmatisent jusque dans les carrefours sur les choses de Dieu et qui sèment dans leurs livres le poison de l'erreur qu'ils ont dans le cœur. Voilà comment vous réussirez à fermer la bouche aux impies.

a. Dans quelques éditions, on lit : « Et vous verrez quelles moissons de sacrilèges et d'erreurs y pullulent! » mais les manuscrits donnent notre version.

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1. -- Ce passage est invoqué dans le livre de Rémy Hebding (Pour comprendre la pensée de Luther, p. 40) pour rapprocher la figure de Bernard des positions de Luther. Ceci est fait sans mentionner le contexte dans lequel Bernard écrit, on ne dit pas que c'est une réaction contre Abélard.

2. -- D'autre part Bernard ne cherche pas à évincer la nécessité dela doctrine... EN COURS

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Elisabeth II

« Je vous ai été - et reste - reconnaissante pour vos prières, et reconnaissante envers Dieu pour son amour constant. En effet, j'ai vu sa fidélité. » (Préface du livre La reine servante, publié pour son quatre-vingt-dixième anniversaire)

« Pour moi, en tant que chrétienne, l'un de plus importants de ces enseignements est contenu dans la parabole du Bon Samaritain, quand Jésus pose la question "Qui est mon prochain ?" C'est une histoire intemportelle d'une victime d'agression qui a été ignorée par ses compatriotes mais aidé par un étranger - et en plus par un étranger méprisé. L'implication qu'en tire Jésus est évidente. Tout le monde est notre prochain, peu importe sa race, sa foi ou sa couleur. La nécessité de s'occuper de son semblable est bien plus importante que toute différence culturelle ou religieuse. » (Message de Noël 2004)

« Pour beaucoup d'entre nous, nos croyances ont une importante fondamentale. Pour moi, les enseignements du Christ et ma propre responsabilité devant Dieu offrent un cadre dans lequel j'essaie de mener ma vie. Comme beaucoup d'entre vous, j'ai retiré beaucoup de confort des paroles et de l'exemple du Christ dans les moments difficiles. » (Message de Noël 2000)

Source : 

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Hans Urs Von Balthasar - La foi vécue est ce qui rend crédible, même sans qu’il y ait besoin de prêcher cette foi.

Même si nous ne pouvons pas imposer une éthique spécifiquement chrétienne aux non-chrétiens, nous devons néanmoins leur montrer qu’une existence dans ces normes est humai­nement crédible. La foi vécue est ce qui rend crédible, même sans qu’il y ait besoin de prêcher cette foi.

Hans Urs Von Balthasar, Henri de Lubac, Entretiens sur l'Eglise, recueillis par Angelo Scola, Cerf, 2022, p. 61

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Joseph Ratzinger - L'amitié avec le Christ nous ouvre à tout ce qui est bon et nous donne le critère permettant de discerner entre le vrai et le faux, entre imposture et vérité

En quoi consiste le fait d'être des enfants dans la foi ? Saint Paul répond : "Ainsi nous ne serons plus des enfants, nous ne nous laisserons plus ballotter et emporter à tout vent de la doctrine" (Ep 4, 14). Une description très actuelle !

Combien de vents de la doctrine avons-nous connus au cours des dernières décennies, combien de courants idéologiques, combien de modes de la pensée... La petite barque de la pensée de nombreux chrétiens a été souvent ballottée par ces vagues - jetée d'un extrême à l'autre : du marxisme au libéralisme, jusqu'au libertinisme ; du collectivisme à l'individualisme radical ; de l'athéisme à un vague mysticisme religieux ; de l'agnosticisme au syncrétisme et ainsi de suite. Chaque jour naissent de nouvelles sectes et se réalise ce que dit saint Paul à propos de l'imposture des hommes, de l'astuce qui tend à les induire en erreur (cf. Ep 4, 14). Posséder une foi claire, selon le Credo de l'Eglise, est souvent défini comme du fondamentalisme. Tandis que le relativisme, c'est-à-dire se laisser entraîner "à tout vent de la doctrine", apparaît comme l'unique attitude à la hauteur de l'époque actuelle. L'on est en train de mettre sur pied une dictature du relativisme qui ne reconnaît rien comme définitif et qui donne comme mesure ultime uniquement son propre ego et ses désirs.

Nous possédons, en revanche, une autre mesure : le Fils de Dieu, l'homme véritable. C'est lui la mesure du véritable humanisme. Une foi "adulte" ne suit pas les courants de la mode et des dernières nouveautés ; une foi adulte et mûre est une foi profondément enracinée dans l'amitié avec le Christ. C'est cette amitié qui nous ouvre à tout ce qui est bon et qui nous donne le critère permettant de discerner entre le vrai et le faux, entre imposture et vérité. Cette foi adulte doit mûrir en nous, c'est vers cette foi que nous devons guider le troupeau du Christ. Et c'est cette foi, - cette foi seule - qui crée l'unité et qui se réalise dans la charité. Saint Paul nous offre à ce propos - en contraste avec les tribulations incessantes de ceux qui sont comme des enfants ballotés par les flots - une belle parole : faire la vérité dans la charité, comme formule fondamentale de l'existence chrétienne. Dans le Christ, vérité et charité se retrouvent. Dans la mesure où nous nous rapprochons du Christ, la vérité et la charité se confondent aussi dans notre vie. La charité sans vérité serait aveugle ; la vérité sans charité serait comme "cymbale qui retentit" (1 Co 13, 1).

(Extrait de l'homélie de la messe pour l'élection du pontife romain, 18 avril 2005 : https://www.vatican.va/gpII/documents/homily-pro-eligendo-pontifice_20050418_fr.html)


1. -- D'où l'importance del a vie contemplative dans l'Eglise.

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Joseph Ratzinger - La vraie pauvreté dans souffre les hommes

Je soutiens l’Aide à l’Église en Détresse, parce que je sais qu’elle rend vraiment service à la foi. Beaucoup de gens pensent qu’il est suffisant de soutenir les causes qui sont sociales au sens strict, et que ce que chacun croit doit être laissé à la discrétion de chaque individu. Mais, en réalité, rien n’est plus important que d’amener les hommes à Dieu, de les aider à trouver le Christ, car ce n’est qu’alors que s’éveillent les forces de la foi, qui sont la forme décisive de l’énergie pour l’histoire du monde. L’Aide à l’Église en Détresse est là pour répondre au besoin de foi, et fait ainsi ce dont notre monde a le plus besoin.

(En 2002 : https://aed-france.org/laed-pleure-la-mort-du-pape-emerite-benoit-xvi/)

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Kant (sur) - Fidéisme de Kant

Kant est croyant, il est chrétien et protestant, mais il ne cessera de dire que nous ne pouvons accéder à Dieu que par la foi (on a toujours le droit de croire), pas par la raison, pas comme chez les cartésiens, par des prétendues « preuves de l'existence de Dieu », à commencer par le fameux argument ontologique. (...) Kant va ainsi déconstruire les pseudopreuves de l'existence de Dieu (...) précisément parce que, de la finitude, on ne sort pas ! Elle est indépassable. Elle est a priori. La Critique de la raison pure pose que l'espace et le temps sont les cadres de toute notre connaissance : impossible de s'en émanciper, de s'en évader, telle une colombe qui croirait voler mieux dans le vide.
(Luc Ferry, Sagesses d'hier et d'aujourd'hui, p. 330 (PDF Web), Flammarion, 2014)

A noter que Thomas d'Aquin ne reprend pas lui non plus l'argument ontologique, le trouvant trop faible. Il ne parlera d'ailleurs pas de preuves mais de voies d'accès à l'existence de Dieu.

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Kant (sur) - Fidéisme de Kant

Kant relativise l'absolu : il déconstruit les Idées illusoires de sorte qu'en fin de parcours, ce n'est plus l'homme qui est, comme chez les cartésiens, relativisé par rapport à Dieu, mais c'est Dieu qui est relativisé par rapport à l'homme : l'Être suprême se réduit à n'être plus qu'une idée de la raison, une représentation de la subjectivité humaine, et rien de plus. Cela n'empêche du reste pas Kant d'être croyant, bien au contraire : c'est parce qu'il démontre que Dieu n'est pas démontrable que ce dernier peut redevenir pleinement objet de foi. Reste que sa déconstruction de la métaphysique est à l'origine de toutes celles qui vont suivre et, dans sa radicalité, elle n'a rien à envier à celles des philosophes contemporains comme Schopenhauer, Nietzsche et Heidegger. Car la démarche de Kant va à la racine de l'illusion métaphysique. Sa déconstruction part des structures de la finitude (l'espace et le temps, la sensibilité) dont il démontre le caractère indépassable. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que Heidegger consacrera son premier grand livre à Kant, notamment à travers ce qu'il appelle « l'analytique de la finitude », c'est-à-dire l'analyse des structures indépassables de la finitude humaine que constituent l'espace et le temps. Et quand même nous aurions une pensée de l'infini, ce qui est le cas s'agissant de l'idée de Dieu, cette pensée se trouve relativisée par les cadres de la finitude : elle n'est jamais qu'une idée, pas un concept scientifique objectif. Que Dieu devienne une simple idée de la raison implique aussi qu'il faudra passer par la foi pour qui veut lui donner une réalité.


(Luc Ferry, Sagesses d'hier et d'aujourd'hui, pp. 350-351 (PDF Web), Flammarion, 2014)

 

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Raymond Aron, le marxisme-léninisme est une superstition

Le marxisme-léninisme mérite d'être qualifié [de] superstition au sens plein du mot. Les dogmes des religions de salut échappent à la réfutation, parce qu'ils affirment des réalités ou des vérités qui, par essence, sont inaccessibles aux enquêtes menées selon les règles de la connaissance rationnelle. En revanche, le dogmatisme, qui prétend à une vérité ultime en une matière qui ressortit à la recherche scientifique, tombe sous le coup de la critique. 

L'anticommunisme systématique que d'aucuns m'attribuent, je le professe sans mauvaise conscience. Le communisme ne m'est pas moins odieux que me l'était le nazisme. L'argument que j'employai plus d'une fois pour différencier le messianisme de la classe de celui de la race ne m'impressionne plus guère. L'apparent universalisme du premier est devenu, en dernière analyse, un trompe-l'œil. Une fois arrivé au pouvoir, il se mêle à un messianisme national ou impérial. Il sacralise les conflits ou les guerres, bien loin de sauvegarder, par-dessus les frontières, les liens fragiles d'une foi commune.

(Raymond Aron, Mémoires, Edition intégrale inédite, 2010, p. 981

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