Kant (sur) - Fidéisme de Kant
Kant relativise l'absolu : il déconstruit les Idées illusoires de sorte qu'en fin de parcours, ce n'est plus l'homme qui est, comme chez les cartésiens, relativisé par rapport à Dieu, mais c'est Dieu qui est relativisé par rapport à l'homme : l'Être suprême se réduit à n'être plus qu'une idée de la raison, une représentation de la subjectivité humaine, et rien de plus. Cela n'empêche du reste pas Kant d'être croyant, bien au contraire : c'est parce qu'il démontre que Dieu n'est pas démontrable que ce dernier peut redevenir pleinement objet de foi. Reste que sa déconstruction de la métaphysique est à l'origine de toutes celles qui vont suivre et, dans sa radicalité, elle n'a rien à envier à celles des philosophes contemporains comme Schopenhauer, Nietzsche et Heidegger. Car la démarche de Kant va à la racine de l'illusion métaphysique. Sa déconstruction part des structures de la finitude (l'espace et le temps, la sensibilité) dont il démontre le caractère indépassable. Ce n'est d'ailleurs pas pour rien que Heidegger consacrera son premier grand livre à Kant, notamment à travers ce qu'il appelle « l'analytique de la finitude », c'est-à-dire l'analyse des structures indépassables de la finitude humaine que constituent l'espace et le temps. Et quand même nous aurions une pensée de l'infini, ce qui est le cas s'agissant de l'idée de Dieu, cette pensée se trouve relativisée par les cadres de la finitude : elle n'est jamais qu'une idée, pas un concept scientifique objectif. Que Dieu devienne une simple idée de la raison implique aussi qu'il faudra passer par la foi pour qui veut lui donner une réalité.
(Luc Ferry, Sagesses d'hier et d'aujourd'hui, pp. 350-351 (PDF Web), Flammarion, 2014)
