Sur Duns Scot : Quid de l'influence du scotisme ?

Il convient de rester conscient du fait que derrière l’appellation « scotisme », ce sont en réalité tous les débats du tournant du XIIIe au XIVe siècle qui se cachent, et qu’en tirant le fil de Duns Scot, c’est une immense pelote d’auteurs médiévaux parfois oubliés au XVIIe que l’on risque de dérouler, et trouver en Henri de Gand, Guillaume d’Alnwick, Pierre Auriol, voire Pierre de Jean Olivi ou même Jacques d’Ascoli de nouveaux interlocuteurs. Aussi, analyser aujourd’hui les rapports entre, par exemple, Descartes, Malebranche ou Arnauld avec la scolastique ne doit assurément plus se faire, comme à l’époque d’Étienne Gilson, avec un vague « thomisme ». Mais ce serait une erreur tout aussi funeste de les comparer sans autre forme de procès avec les thèses de Duns Scot lui-même et de conclure rapidement à un hypothétique « omni-scotisme ». C’est la diffusion de thèses individuelles, héritées des controverses de la première grande scolastique des XIIIe et XIVe, médiées par des voies diverses et des milieux scolaires multiples, qu’il convient d’analyser, afin d’éviter que le dialogue philosophique ainsi suscité entre les grandes figures de l’esprit par-delà les siècles ne soit artificiel. En histoire de la philosophie, il convient d’être radicalement empiriste : en suivant une thèse à la trace, dans les reprises, déplacements ou réfutations qu’elle subit école par école, folio par folio, ce qui reste le seul moyen de conjurer efficacement le caractère un peu magique de tous les discours sur l’ « influence ».

Jacob Schmutz, L'héritage des subtils cartographie du scotisme de l'âge classique, Dans Les Études philosophiques 2002/1 (n° 60), pp. 74-75

Duns Scot, Histoire de la philosophie, Scotisme

Sur Duns Scot : Loi naturelle - dispenses

So, for example, there is the possibility of dispensation from the indissolubility of marriage if otherwise there is the danger that the displeasure of the spouses might end in murder. (cf. Ord. 4, d. 33, q. 3, n. 9.)

Ainsi, par exemple, il y a la possibilité de dispense de l'indissolubilité du mariage s'il existe autrement le danger que le mécontentement des époux se termine par un meurtre.

Thomas Williams, The Cambridge Companion to Duns Scot, p. 319/2

Toutes les défenses qui sont inscrites sur la seconde table de la loi de Moïse, — tu ne tueras point, tu ne prendras pas la femme de ton voisin, tu ne voleras point, — sont, comme le mensonge, des lois positives librement édictées par Dieu. Les actes qu'elles interdisent n'ont en eux-mêmes aucun caractère immoral ou moral, ils deviennent immoraux uniquement à cause de la volonté divine. Or un législateur a toujours le droit de supprimer la loi qu'il a portée et d'en promulguer une autre à la place (III, d. 31. n. 12 ; VII, 673). C'est ce que Dieu a fait, à Abraham il ordonna de tuer Isaac, à Osée d'avoir des fils d'une prostituée, aux Israélites d'emporter les biens des Égyptiens.

Bernard Landry, La philosophie de Duns Scot, 1922, p. 255

Sur le thème des dispenses à la loi naturelle, voir aussi :

  • Dominique Foyer (2017, p. 72 : "Par exemple, le vol (l’or des Égyptiens), le meurtre (le sacrifice d’Isaac), l’adultère (Osée et la prostituée)"),
  • Christophe Cervellon (vocabulaire)
  • Thomas Williams, The Cambridge Companion to Duns Scotus

Loi naturelle, Commandements (Les dix), Arbitraire, Dispense