Sur Duns Scot : Quid de l'influence du scotisme ?

Il convient de rester conscient du fait que derrière l’appellation « scotisme », ce sont en réalité tous les débats du tournant du XIIIe au XIVe siècle qui se cachent, et qu’en tirant le fil de Duns Scot, c’est une immense pelote d’auteurs médiévaux parfois oubliés au XVIIe que l’on risque de dérouler, et trouver en Henri de Gand, Guillaume d’Alnwick, Pierre Auriol, voire Pierre de Jean Olivi ou même Jacques d’Ascoli de nouveaux interlocuteurs. Aussi, analyser aujourd’hui les rapports entre, par exemple, Descartes, Malebranche ou Arnauld avec la scolastique ne doit assurément plus se faire, comme à l’époque d’Étienne Gilson, avec un vague « thomisme ». Mais ce serait une erreur tout aussi funeste de les comparer sans autre forme de procès avec les thèses de Duns Scot lui-même et de conclure rapidement à un hypothétique « omni-scotisme ». C’est la diffusion de thèses individuelles, héritées des controverses de la première grande scolastique des XIIIe et XIVe, médiées par des voies diverses et des milieux scolaires multiples, qu’il convient d’analyser, afin d’éviter que le dialogue philosophique ainsi suscité entre les grandes figures de l’esprit par-delà les siècles ne soit artificiel. En histoire de la philosophie, il convient d’être radicalement empiriste : en suivant une thèse à la trace, dans les reprises, déplacements ou réfutations qu’elle subit école par école, folio par folio, ce qui reste le seul moyen de conjurer efficacement le caractère un peu magique de tous les discours sur l’ « influence ».

Jacob Schmutz, L'héritage des subtils cartographie du scotisme de l'âge classique, Dans Les Études philosophiques 2002/1 (n° 60), pp. 74-75

Duns Scot, Histoire de la philosophie, Scotisme